Et si, au lieu de lancer un énième média, il y avait tout simplement un nouveau modèle de journalisme qui faisait les choses autrement? Nous imaginons une approche qui ne se limite pas au produit fini, mais qui valorise la transparence, la communication et la communauté tout au long de nos enquêtes. Une nouvelle forme de journalisme qui privilégie les enquêtes de longue haleine plutôt que la nouvelle quotidienne, qui ne se contente pas de présenter les problèmes, mais qui en explore les racines profondes, de manière accessible à toustes.
Gabrielle Brassard-Lecours est une figure centrale du journalisme indépendant au Québec. Reconnue pour sa vision unique et sa persévérance, elle a contribué au lancement et à l'établissement des médias Ricochet et Pivot, et a été présidente de l'Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ). Gabrielle ressent le besoin de revenir au journalisme de terrain, là où les changements sociétaux se vivent au quotidien.
Isaac Peltz a passé le début de sa carrière à travailler dans la musique avant de se tourner vers les médias. Travaillant dans les coulisses du journalisme québécois, iel a affûté ses compétences en matière de production de balados, d’entrevues et d’édition, tout en travaillant à la pige pour se maintenir à flot. De cette expérience est né le désir de pratiquer un journalisme différent.
Notre collaboration a débuté par une enquête sur la crise du logement, au cours de laquelle nous avons partagé notre frustration face à certaines pratiques journalistiques.
La vérité blesse : les médias sont devenus l'une des institutions les moins dignes de confiance au Canada, cette dernière ayant chuté de 20% auprès du public depuis 2018. Certains médias génèrent des milliards de dollars, qui ont besoin de faire du profit pour survivre et satisfaire les actionnaires. En réaction à cette dynamique, les gens se demandent si la vérité est encore une priorité. Pour beaucoup, le journalisme s’est cloisonné, réservé à une élite déconnectée des réalités des gens ordinaires, se distinguant par sa maîtrise des statistiques et des intrigues politiques.
La récente élection américaine a été un déclencheur : nous avons constaté combien les médias traditionnels ont contribué à une mauvaise interprétation de l’opinion publique.
La vérité telle que présentée par les médias traditionnels ne parvient pas à atteindre une partie de la population parce qu'elle leur fait de moins en moins confiance. Nous pensons que les raisons en sont évidentes : une méconnaissance de comment le journalisme se pratique, et peu de transparence sur la manière dont les ressources (temps, argent, contacts, etc...) sont gérées.
En réponse à cela, des acteurs malveillants de tous horizons profitent de la méfiance des gens à l'égard des institutions. Nous assistons déjà à une croissance exponentielle de la désinformation, mais avec l'avènement de l'intelligence artificielle et de la technologie, elle s'est encore multipliée. Nous pensons que le meilleur moyen de lutter contre ce phénomène est de mettre en place un processus ouvert, en montrant et en détaillant chaque pièce du puzzle du journalisme qui crée un produit final, y compris la manière dont nous utilisons nos ressources.
Nous rejetons le cycle toxique d’informations négatives, axées sur les clics, et nous voulons plutôt nous concentrer sur des histoires qui resteront dans les mémoires. Notre ambition est de raconter des histoires mémorables, où le public ne se limite pas à consommer la nouvelle, mais en devient partie prenante. Chaque phase de nos enquêtes — remue-méninges, entrevues, analyses — sera partagée, offrant à notre communauté la possibilité d’interagir, de soumettre des idées et de contribuer à l’élaboration des récits. Nous reconnaissons que chaque journaliste a des biais, façonnés par son vécu. Pour les contrebalancer, nous nous appuierons sur la diversité des contributions du public et sur notre complémentarité : deux parcours, deux visions, deux personnalités, en plus bien sûr d’entrevues journalistiques menées avec rigueur et professionnalisme. Ce dialogue constant enrichira notre démarche.
Abonnez-vous dès maintenant. Abonnez-vous parce que vous croyez en la nécessité d’un changement et souhaitez participer à la lutte pour l’information, la vérité et la transparence.
Pourquoi un sociofinancement?
La question de la rémunération des journalistes pigistes est légitime. Permettez-nous d'exposer le fonctionnement de l'industrie, pour votre plus grand plaisir.
Au Québec, les médias paient généralement pour l'article final, avec un montant forfaitaire ou un tarif au feuillet (250 mots ou 1500 caractères). Devant l’absence d’un cadre légal pour les journalistes indépendant.es, les médias ont toute latitude pour payer le montant qu'ils veulent. Par conséquent, les tarifs peuvent varier entre 50 et 150 dollars par feuillet. Parfois plus, parfois moins. Ce montant n'inclut pas les heures de recherche, l’élaboration des questions d’entrevues, le transport, le travail sur le terrain, les démarches pour obtenir des entrevues, etc. La rédaction d'un article d'enquête peut prendre de 40 à 80 heures de recherche et de rédaction, auxquelles s'ajoute le temps nécessaire à l'édition. Donc, à la fin du processus menant à la publication, si vous avez passé un total de 45 heures entre l'écriture et la recherche, vous aurez gagné 6,66 $ de l'heure si le tarif est de 150$, considéré comme bon. S'il s'agit d'une enquête plus ardue, le salaire peut être plus proche de 3,50 dollars de l'heure.
De nombreux journalistes pigistes cumulent donc plusieurs emplois ou cherchent des bourses, rares et souvent limitées à un projet spécifique. Par exemple, pour notre enquête actuelle sur la crise du logement, nous avons obtenu une bourse de 10 000 $ de l’AJIQ. Si nous y consacrons 40 heures par semaine, notre revenu s’élève à environ 12 $ de l’heure, donc bien en deçà du salaire minimum.
Nous voulons changer la manière de faire du journalisme et nous pensons que nous avons la capacité de le faire. Mais nous vivons aussi sous un régime capitaliste et nous avons besoin de vivre et de survivre. En échange de votre soutien, nous allons donc vous montrer autant que possible les coulisses de notre travail dans les limites de la confidentialité que certaines sources requirent, afin que vous compreniez mieux comment nous travaillons et comment nos articles sont réalisés, avec votre aide. Nous sommes ouvert.es au changement et à l'adaptation, et nous espérons que vous nous soutiendrez non seulement pour recevoir quelque chose en échange, mais aussi parce que vous croyez que le journalisme peut être fait différemment.